article 26 : Conseil prénuptial et conjugal : Quels sont vos rêves respectifs ? Même les rêves les plus inaccessibles ?
- Marya Sirous
- 5 juin
- 5 min de lecture
article 26 : Conseil prénuptial et conjugal : Quels sont vos rêves respectifs ? Même les rêves les plus inaccessibles ?

"Les hommes meurent de ne pas réaliser leurs rêves, non de ne pas les atteindre."
— Miguel de Unamuno
Pourquoi parler de ses rêves est vital dans le couple
Dans les premiers instants d’une relation, on partage des plaisirs simples, des projets proches, parfois des anecdotes de vie. Mais très vite, un territoire plus vaste émerge : celui des rêves profonds, parfois secrets, souvent jugés « irréalistes ». Ces rêves, même les plus inaccessibles, façonnent notre identité, nos aspirations, notre vision du monde.
Dans une thérapie de couple ou un conseil prénuptial, aborder les rêves individuels devient un levier essentiel de communication conjugale. Pourquoi ? Parce que ce sont des reflets de l’âme. Les accueillir, c’est accueillir l’autre dans sa totalité, sans chercher à le réduire à des objectifs « raisonnables » ou « adultes ».
Étude de cas 1 : Alice et Matthieu – Voyager autour du monde… ou ouvrir une librairie ?
Alice, 32 ans, professeure de français, rêve depuis toujours de faire un tour du monde à vélo. Matthieu, 35 ans, comptable et casanier, rêve d’ouvrir une petite librairie à Bordeaux, leur ville natale.
Lors de leur consultation prénuptiale, ils découvrent qu’ils vivent en parallèle avec la peur de freiner l’autre. Chacun croyait que son rêve n’était pas compatible avec celui du partenaire. En réalité, leur amour était assez vaste pour intégrer deux temporalités différentes : ils ont imaginé ensemble un an de voyage, suivi d’un retour pour co-fonder la librairie… avec une section voyage.
👉 Ce qu’ils ont appris : Les rêves ne sont pas forcément opposés. Ils peuvent coexister ou s’enrichir mutuellement si on les exprime librement et sans jugement.
Étude de cas 2 : Mehdi et Julien – Le rêve d’enfant trop longtemps tu
Mehdi, 40 ans, Français d’origine algérienne, travaille dans l’immobilier. Son conjoint, Julien, 38 ans, chef de projet, ignore un pan entier de la vie de Mehdi : son rêve d’enfance était de devenir écrivain.
Un soir, en pleine crise conjugale, Mehdi avoue qu’il se sent éteint, incompris. Il explique que depuis 20 ans, il n’a jamais osé parler de ce rêve, de peur d’être jugé ou moqué.
Julien, touché, prend conscience que sa tendance à « rationaliser » a tué l’espace du désir non rentable. Ils décident ensemble de libérer chaque dimanche matin pour que Mehdi écrive pendant deux heures, soutenu, encouragé.
👉 Ce qu’ils ont découvert : Honorer un rêve, ce n’est pas le réaliser en grand. C’est d’abord lui redonner une place symbolique et légitime dans le quotidien du couple.
Les rêves : un langage secret entre inconscient, identité et désir
Les rêves inaccessibles ne sont pas des caprices. Ils sont les symboles de ce que nous cherchons à vivre intérieurement. Rêver de voler, c’est parfois rêver d’autonomie. Vouloir devenir artiste, c’est souvent réclamer une vie plus vibrante, moins cadrée. En psychologie humaniste, les rêves sont perçus comme des échos de la quête de réalisation de soi.
Un couple qui ne parle jamais de ses rêves risque de s’installer dans une routine vide de sens. Inversement, un couple qui partage ses désirs profonds, même irréalistes, développe une complicité émotionnelle rare et durable.
En thérapie de couple, écouter le rêve de l’autre, c’est rencontrer ce qu’il a de plus vivant et vulnérable.
Pratiques concrètes à explorer en couple
1. La boîte à rêves
Chaque partenaire écrit 5 rêves (fous, doux, enfantins ou audacieux). On les plie, on les met dans une boîte. Chaque semaine, on en tire un et on en discute sans jugement, juste avec curiosité.
2. Le journal des micro-rêves
Notez chaque petit désir du quotidien, aussi simple que "je voudrais marcher pieds nus dans la forêt". Puis partagez-le en fin de journée. Cela crée une connexion intime.
3. Un rituel d’écoute
Chaque mois, consacrez un moment de qualité à la question : "Quel rêve a grandi ou changé en toi ce mois-ci ?"
Fondements théoriques : Pourquoi les rêves comptent tant dans le lien amoureux ?
🔸 1. Abraham Maslow – Réalisation de soi et amour véritable
Selon la pyramide des besoins de Maslow, l’être humain cherche à satisfaire des besoins progressifs : survie, sécurité, appartenance… mais au sommet se trouve la réalisation de soi. C’est le niveau où l’on exprime sa nature profonde, ses élans créateurs, ses aspirations spirituelles ou artistiques.
Dans un couple, empêcher l’autre de rêver ou de nourrir sa réalisation personnelle, c’est le bloquer dans une zone d’incomplétude.Le conseil prénuptial et conjugal devient alors un espace où chacun peut être entendu dans sa quête intérieure, sans que l’autre se sente mis à l’écart.
🔸 2. Carl Rogers – L’acceptation inconditionnelle de l’individualité
Carl Rogers, père de l’approche humaniste, insistait sur la nécessité de l’écoute empathique et de l’acceptation inconditionnelle.Un rêve — même utopique ou incompréhensible pour l’autre — n’a pas à être justifié. Il est un écho intime de l’identité, souvent lié à des blessures ou des désirs anciens.
L’accueil des rêves dans le couple, sans moquerie ni rationalisation excessive, permet de bâtir une relation sécure et évolutive, où l’on ose dire : « Voilà ce qui me fait vibrer, même si je ne l’ai jamais dit à personne. »
🔸 3. Gaston Bachelard – Le droit de rêver dans l’intimité
Le philosophe Gaston Bachelard, dans La poétique de la rêverie, montre que rêver, ce n’est pas fuir le réel, c’est habiter plus pleinement l’instant, par l’imaginaire.Un couple qui ne rêve plus devient un espace fonctionnel, mais pas nourrissant. À l’inverse, un couple qui s’autorise à parler de ses rêves crée un espace poétique, inspirant et vivant.
L’intimité ne naît pas seulement dans les gestes du quotidien, mais dans le partage de ce qui est invisible aux autres : nos aspirations secrètes.
🔸 4. Jean-Claude Kaufmann – Le rêve, moteur de réinvention du couple
Le sociologue Jean-Claude Kaufmann souligne que la vie de couple s’inscrit dans des routines, mais que le désir — individuel ou commun — agit comme un moteur de renouvellement.Les rêves, même irréalistes, sont des leviers de différenciation : ils empêchent la fusion destructrice ou l’effacement.
Dans un accompagnement conjugal, reconnaître le rêve de l’autre, c’est aussi reconnaître sa singularité, son autonomie psychique, tout en construisant ensemble une base commune.
🔸 5. Approche systémique – Le rêve comme élément de l’équilibre du couple
L’approche systémique voit le couple comme un système vivant, où chaque changement dans l’un impacte l’ensemble.Si un rêve important est réprimé, cela crée des tensions silencieuses, des déséquilibres, voire des symptômes dans la relation (colères inexpliquées, distance, désintérêt sexuel...).
Accueillir les rêves, c’est permettre au système de s’adapter et de rester souple, dynamique, évolutif. C’est une valve de régulation psychique, au même titre que l’humour ou la créativité.
Conclusion : L’amour, ce lieu où les rêves peuvent respirer
Un couple n’a pas besoin de partager tous ses rêves, mais il doit offrir un espace pour les accueillir, les encourager, ou simplement ne pas les détruire.
Un rêve inavoué devient souvent un reproche futur. Un rêve exprimé devient une porte ouverte vers la connaissance de l’autre et la profondeur de la relation.
À méditer
"Là où il n’y a pas de rêve, il n’y a pas de courage. Et là où il n’y a pas de courage, la vie devient très petite."
— Robin Sharma
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